ART GRATUIT. Dans l’art gratuit, les pratiques et les échanges artistiques s’effectuent dans une gratuité plus ou moins relative, le spectacle en question étant toujours gratuit pour le spectateur, la gratuité étant plus discutable du côté de l’artiste, aussi bien du point de vue de la création artistique que de celui de l’éventuel commanditaire.
Se voulant gratuit, cette forme d’art bouscule les idées reçues sur l’art et interroge les nouvelles pratiques artistiques in situ, émancipées de la médiation marchande, libérées de l’espace muséal traditionnel et surtout accessibles à tous. Au-delà d’une recherche esthétique, ces artistes « gratuits » revendiquent souvent un positionnement social et politique fort, prônant l’accès à la culture pour tous, comme le souligne notamment la présidente de la Fédération nationale des arts de la rue. Les manifestations artistiques se déplacent donc, le plus souvent, sur la scène publique ou encore dans des lieux investis tels que les squats. L’art gratuit compte avoir une fonction sociale en renouant avec la tradition de l’art. L’art gratuit peut être considéré comme de l’art non marchand, un art qui est sorti des sentiers cloisonnés des institutions, le plus souvent, et du marché, toujours.
L’art gratuit prend des formes très variées allant du Street art, à savoir les graffitis, les stickers ou les pochoirs, entre autres, aux spectacles de rue en passant par l’art numérique, pour n’en citer que quelques-unes. Aucune liste ni aucune définition ne saurait être exhaustive puisqu’en somme, l’art gratuit regroupe toutes les productions et pratiques se voulant artistiques, qui peuvent être appréciées gratuitement par un public donné. Cet art dérange puisque sa valeur intrinsèque est esthétique certes, mais s’inscrit, aussi et surtout, dans un ensemble de pratiques sociales complexes.
Grâce à l’art gratuit, les artistes redeviennent autonomes en s’affranchissant des contraintes du marché, comme le rappel le site nonmarchand.org. Les frontières entre les productions professionnelles et amateurs sont floutées, une même personne ou au contraire un nombre important de ces dernières pouvant participer aux différentes étapes de production, création et diffusion de l’œuvre en question.
Le Street Art et les Arts de la rue
L’expression artistique dans l’espace public passe notamment par le mouvement artistique contemporain du Street art qui s’exprime particulièrement lors des périodes de troubles, comme le souligne le site-du-jour.com, dans son dossier sur l’art de la rue. De très nombreux graffitis marqués par une éloquence révolutionnaire ont vu le jour sur le mur de Berlin par exemple.
Le mur de Berlin en 1985
©Flickr/thachabre
Le graffiti a gagné ses lettres de noblesse dans les années 60 avec la parution du livre Graffiti (1960) du peintre Brassaï, qui l’élève ainsi, avec Picasso, qui a participé à la réalisation de l’ouvrage, au rang d’art, en le qualifiant « d’art brut ». Le pionnier de cet art, surnommé le « parrain du graffiti » reste Cornbread, de son vrai nom Darryl McCray, mort en 1972.
Retour sur l’histoire de Darryl McCray :
Mais comme tout moyen d’expression qui dérange, dès le début des années 80, une loi est instaurée à New-York pour l’empêcher de se développer d’avantage. Pour les street-artistes, il est question de faire connaître leur nom, d’abord par une signature graphique puis peu à peu, le phénomène finit par se codifier dans une recherche permanente du risque. Mais une fois que les limites ont été atteintes, il était temps pour le Street art de se diversifier. C’est ainsi que sont nées des pratiques artistiques urbaines telles que le rap, le breakdance ou encore le scratch.
Mais l’expression artistique dans l’espace public est également marquée par les spectacles de théâtre de rue, mais aussi, par des danses urbaines ou encore des installations scénographiques en tous genres. Les compagnies reconnues aujourd’hui sont, entre autres, Royal de Luxe, Transe Express ou encore Carabosse. Dès leurs débuts, les troupes de théâtre se sont toujours déplacées de villes en villes et ont joué leurs spectacles, très souvent, en plein air. Ainsi, que ce soit pour le théâtre japonais, appelé Nô, ou le théâtre de Molière, les artistes ont tout d’abord dû faire leurs preuves dans la rue avant de connaître le public d’une salle de spectacle.
Comme l’explique le site-du-jour dans son dossier sur l’art de la rue, le cirque, autre forme de spectacle de rue, est également né dans l’espace public. Les pionniers du Cirque du Soleil, qui a été fondé en 1984, se produisaient dans la rue au début de leur histoire. Les arts de la rue se caractérisent par une très grande diversité, aussi bien du point de vue des démarches artistiques que des formes artistiques en tant que telles. Les spectacles multimédias ou l’art numérique peut également être une performance réalisée dans l’espace public.
Bouleversement du secteur de la musique, de la littérature et du cinéma suite à l’avènement et au développement de l’internet
L’apparition de la musique libre est largement liée à l’apparition et au développement des logiciels libres, qui peuvent être utilisés, copié, modifiés et redistribués sans restrictions. L’informatique est à la base de la culture du libre. C’est en 1984 que le développeur Richard Stallman, a formalisé juridiquement, avec le projet GNU, le partage des connaissances, comme il est intéressant de le découvrir dans l’ouvrage incontournable de Richard Stallman, Sam Williams et Christophe Masutti intitulé Richard Stallman et la révolution du logiciel libre.
Avec l’apparition d’internet, de nouvelles façons de partager, de diffuser et de consommer la musique sont apparues. Internet a transformé la manière de consommer la musique mais aussi la littérature ou encore le cinéma, car ces derniers sont passés d’un support physique, le CD, le livre ou encore le dvd, à des fichiers numériques. Le droit d’auteur a également été remis en question, certains musiciens, écrivains ou cinéastes décidant de diffuser leurs productions sous licence libre. Comme le rappel le site gnu.org, cette licence offre plusieurs possibilités à l’utilisateur, notamment le droit d’utiliser l’œuvre pour tous les usages, de redistribuer des copies de cette œuvre, de modifier l’œuvre et de publier ces modifications. Les licences libres les plus connues sont Copyleft, IANG ou encore la licence Art Libre. Néanmoins, il ne faut pas confondre musique ou art libre et musique ou art gratuit, même si le plus souvent, les deux vont de pair. Avec la musique dite libre, les auteurs et interprètes accordent au public un droit d’échange, de partage et de rediffusion de leurs œuvres.
Internet offre des possibilités de visibilité et de partage qui tendent à supprimer la médiation entre les producteurs et le public. Les écrivains et les musiciens prennent de plus en plus en charge la diffusion de leur création via un rapport direct et souvent gratuit avec le public. Ce rapport bouleverse l’approche économique, socio-politique et artistique quant aux moyens de créations aussi bien dans la musique, que dans la littérature ou le cinéma.
Les limites de l’art gratuit sont floues. Il peut prendre des formes très diverses voire hybrides afin d’être visible par le plus grand public possible. Hors des institutions, le plus souvent dans la rue ou les squats, ces artistes, qu’ils soient amateurs ou professionnels, exercent leur art à la vue de tous, sans contraintes marchandes. Le tagueur fait de l’art gratuit, tout comme le danseur qui danse à côté de sa radio devant un centre commercial, tout comme ces chanteurs dans le métro. Un sculpteur qui propose une sculpture éphémère dans l’espace public fait de l’art gratuit mais aussi le blogueur, le musicien, l’écrivain ou le scénariste qui diffuse gratuitement ses œuvres sur internet.
Caroline Miklas
Image à la une: Free Art Show à Portsmouth ©Flickr/Claire Sambrook
